Rapports annuels
Download PDFQu’est-ce que le rapport annuel d’un MNP ?
Un rapport annuel est un document dans lequel le mécanisme national de prévention (MNP) présente publiquement les principales activités qu’il a menées au cours de l’année ainsi que ses recommandations clés en matière de prévention de la torture et autres mauvais traitements ; ces recommandations sont fondées principalement sur les observations faites lors de ses visites de monitoring dans des lieux de privation de liberté. Ce type de rapports offre également l’occasion de présenter les avancées accomplies en matière de prévention de la torture, ainsi que les priorités et les perspectives pour l’année suivante. Les rapports annuels constituent aussi un outil de communication important et un grand nombre de MNP utilisent ce moyen pour expliquer leur approche et leurs méthodes de travail spécifiques, notamment dans un langage accessible. Cela peut contribuer à renforcer la confiance envers le MNP et conforter sa légitimité, en particulier auprès des individus et organisations qui ne connaissent pas son mandat et ses modalités de fonctionnement. Ces rapports annuels viennent en complément d’autres types de rapports que les MNP peuvent publier, notamment des rapports de visite dans les lieux de privation de liberté et des rapports thématiques portant sur des problèmes spécifiques liés à la détention.
Pourquoi est-il nécessaire de rédiger un rapport annuel ?
L’article 23 de l’OPCAT prévoit que les États « s’engagent à publier et à diffuser les rapports annuels des mécanismes nationaux de prévention ». Bien que cette disposition soit adressée à l’État, l’obligation de publier ces rapports annuels incombe clairement aux MNP. Au-delà de l’obligation de répondre à cette exigence de l’OPCAT, les rapports annuels peuvent permettre d’atteindre plusieurs objectifs. Voici les principales raisons pour lesquelles les MNP doivent produire et publier ce type de rapports :
- Donner de la visibilité aux actions du MNP et aux défis auxquels il est confronté. Le rapport annuel offre tout d’abord au MNP l’occasion de publier un résumé des principales activités qu’il a menées au cours de l’année et de préciser notamment : les types et le nombre de lieux visités ; les types de conseils donnés aux autorités à propos de lois et de politiques ; et la nature du dialogue engagé par le MNP avec les autorités nationales, régionales et locales ainsi qu’avec les organes internationaux de défense des droits humains et d’autres parties prenantes, y compris des organisations de la société civile. C’est également l’occasion de mettre en lumière les défis auxquels le MNP est confronté dans l’accomplissement de son mandat de prévention de la torture, et notamment le manque de ressources ou l’absence de coopération adéquate de la part des autorités.
- Démontrer que le MNP est redevable de ses actions. En tant qu’institution publique, le MNP est redevable de ses actions auprès de l’État et du grand public et la plupart des MNP ont l’obligation de rendre compte chaque année de leurs activités aux autorités étatiques et / ou au parlement. La publication du rapport annuel permet au MNP de démontrer qu’il est redevable de ses actes, à la fois devant les autorités et devant la population, en expliquant comment son action permet d’améliorer réellement la situation. C’est également la raison pour laquelle il peut être utile de présenter dans le rapport annuel les méthodes de travail du MNP – non seulement pour souligner l’impact positif de son action, mais également pour mettre en lumière comment et pourquoi la prévention est efficace.
- Souligner les problèmes et les recommandations clés en matière de prévention de la torture. Le rapport annuel d’un MNP a pour objectif de publier une synthèse de ses principales conclusions et des difficultés rencontrées en matière de prévention de la torture. Sur la base de ces conclusions, le MNP peut ensuite proposer des solutions et formuler des recommandations clés aux différentes autorités de l’État sur les mesures à prendre aux niveaux législatif, politique et pratique pour prévenir de manière plus efficace la torture et autres mauvais traitements en détention. Cette analyse peut contribuer au débat public sur les conclusions du MNP. Elle permet également de nourrir le dialogue continu entre le MNP et les autorités tout en aidant d’autres acteurs, y compris les organisations de la société civile, à plaider en faveur des changements nécessaires en s’appuyant sur les recommandations publiées par le MNP.
Quel est le public cible du rapport annuel d’un MNP ?
Le rapport annuel est un outil de communication essentiel. Il permet de mieux faire connaître et comprendre le mandat et l’action du MNP auprès d’un large public, y compris des non-spécialistes et des médias. Le public cible du rapport peut donc être assez large. De nombreux acteurs peuvent être intéressés par les activités du MNP, y compris des organisations de la société civile nationale, des organisations travaillant spécifiquement sur les questions de prévention de la torture et de détention, des chercheurs universitaires, des associations du barreau, des praticiens travaillant dans des domaines concernés par ces questions ainsi que des personnes privées de liberté et leurs proches.
Les activités d’un MNP peuvent, de plus, intéresser de nombreuses institutions au niveau international, en particulier le Sous-comité des Nations Unies sur la prévention de la torture (SPT) et d’autres MNP.
Cela étant dit, les rapports annuels d’un MNP doivent principalement s’adresser aux autorités nationales destinataires des recommandations, y compris les trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire ainsi que les autorités « opérationnelles » chargées des lieux de détention.
Avant de lancer la rédaction de son rapport annuel, il est donc essentiel que le MNP s’accorde en interne sur le public clé ciblé par le rapport et qu’il adapte le style et le format de celui-ci en conséquence. Le choix du format d’un rapport annuel doit absolument prendre en compte les critères de lisibilité et d’accessibilité (pour répondre aux besoins, par exemple, des personnes ayant une déficience visuelle) tout en gardant à l’esprit que ce type de documents peut intéresser un public très large.
Quel devrait être le contenu du rapport annuel d’un MNP ?
Le contenu du rapport annuel d’un MNP peut varier en fonction de différents facteurs, en particulier, s’il s’agit du premier rapport annuel de cet organe ; si le MNP publie d’autres types de rapports (tels que des rapports de visite ou des rapports thématiques) ; si le MNP fait partie d’une institution plus large (par exemple, une commission nationale des droits de l’homme ou une institution de médiation), s’il est composé d’un ensemble d’institutions chargées d’assurer ce mandat collectivement ou s’il s’agit d’une nouvelle institution spécialisée.
Quel que soit le type de MNP, le rapport annuel devrait inclure les éléments suivants :
Questions générales, y compris le mandat et la structure du MNP
- Un avant-propos (rédigé, par exemple, par un∙e expert∙e reconnu∙e au niveau national de façon à accroître la visibilité du rapport ; dans le cas d’un ensemble d’institutions chargées d’assurer collectivement le mandat de MNP, ce texte peut être rédigé et signé par l’ensemble des président∙e∙s des institutions membres du MNP).
- Une brève introduction présentant l’OPCAT et des informations de base sur les processus de désignation et de création des MNP, ainsi que sur leur fondement juridique. Dans son premier rapport annuel, le MNP peut inclure une section plus détaillée présentant les processus de désignation et de création de cet organe ainsi que son fondement juridique et sa structure.
- Une présentation des méthodes de travail du MNP et de son approche. Cette section ne vise pas seulement à démontrer que le MNP est redevable de ses actions ; elle favorise également le partage d’informations et l’apprentissage mutuel entre MNP et peut servir de source d’inspiration pour d’autres organes de contrôle et de monitoring. Dans les situations où la description des méthodes de travail du MNP suscite des débats, la rédaction du rapport annuel peut aussi être l’occasion pour ce mécanisme de mener une réflexion sur son approche ou d’expliquer plus en détail pourquoi certaines méthodes sont privilégiées.
- Une brève présentation de la structure, des ressources et du budget du MNP.
Activités, thèmes et enjeux
- Un aperçu des activités clés menées par le MNP au cours de l’année (visites, observations sur la législation, actions de formation et de sensibilisation), incluant des données quantitatives et qualitatives.
- Une analyse des conclusions et recommandations les plus importantes issues des rapports de visite (cela est particulièrement nécessaire si ces rapports n’ont pas été rendus publics).
- Une présentation des avancées accomplies (ou de l’absence de progrès) en matière de mise en œuvre des recommandations du MNP, ainsi qu’un aperçu de la manière dont les autorités ont répondu à ces recommandations et des changements qui se sont produits durant cette période.
- Des informations sur la coopération avec d’autres acteurs menant des actions de prévention de la torture aux niveaux national et international.
- Les perspectives et les priorités pour l’année suivante.
Certains MNP ont adopté une bonne pratique consistant à intégrer, dans leurs rapports, un axe thématique spécifique présentant les questions analysées au cours de l’année et ont utilisé le rapport annuel comme base pour élaborer des articles de réflexion sur certaines thématiques transversales observées lors de visites dans des lieux de détention ou concernant des secteurs spécifiques. Cette approche peut même constituer une bonne alternative à la rédaction d’un rapport thématique si les ressources ou les données disponibles ne permettent pas de produire un rapport complet sur un sujet particulier.
En outre, après plusieurs années de pratique (5 ou 10 ans, par exemple), certains MNP procèdent à une auto-évaluation de leur travail, en identifiant les étapes clés et l’impact de leur action sur la prévention de la torture et autres mauvais traitements. Un chapitre spécifique du rapport annuel peut également rendre compte des conclusions de cette analyse-bilan.
Enfin, il convient de prendre en compte les éléments suivants lors de la rédaction du rapport annuel d’un MNP :
- Les informations confidentielles ne doivent pas être diffusées et aucune donnée personnelle ne doit être publiée sans le consentement exprès de la personne concernée.
- Le ton du rapport doit être constructif, afin de rester fidèle à l’esprit de coopération et de dialogue consacré par l’OPCAT.
Quel devrait être le format d’un rapport annuel du MNP ?
Les rapports annuels peuvent prendre différentes formes et les éléments suivants doivent être examinés avant l’élaboration de ce type de documents :
- Diffusion sous forme imprimée et en ligne ? De nombreux rapports annuels sont publiés sous forme imprimée, mais la plupart des MNP diffusent désormais également leurs rapports annuels en ligne afin de faciliter leur large diffusion. Les rapports imprimés peuvent être particulièrement utiles pour les personnes qui n’ont pas accès à Internet, y compris de nombreux∙ses détenu∙e∙s.
- Utilisation d’infographies ? Les MNP utilisent de plus en plus souvent des infographies afin de faciliter la compréhension de leurs conclusions et statistiques.
- Utilisation de photos ? Les photos peuvent constituer un moyen très efficace pour illustrer certaines conditions de vie dans les lieux de privation de liberté ou des situations documentées dans le rapport, mais les MNP doivent veiller à ce que ces photos ne permettent pas d’identifier les individus qui y figurent.
- Inclusion d’annexes ? Les MNP assortissent souvent leurs rapports annuels d’annexes pour présenter, par exemple, la législation pertinente. Ces annexes devraient être réduites au minimum et pourraient même être mises en ligne sur le site internet du MNP afin de pouvoir s’y référer à l’avenir.
Le choix du format d’un rapport annuel doit absolument prendre en compte les critères de lisibilité et d’accessibilité tout en gardant à l’esprit que ce type de documents peut intéresser un public très large. Si le rapport annuel est très long, il peut être judicieux d’inclure un résumé et de préparer un kit spécifique à l’intention des médias pour assurer la large diffusion des messages clés.
Lorsqu’un MNP opère au sein d’une institution plus large ou lorsqu’il est composé de plusieurs institutions, son rapport annuel devrait-il être publié séparément ?
Lorsqu’un MNP fait partie d’une institution plus large (telle qu’une Commission nationale des droits de l’homme ou une institution de médiation, par exemple), il faut déterminer si le rapport annuel devrait être publié dans le cadre du rapport annuel de l’institution au sens large - ou faire l’objet d’une publication séparée. Une bonne pratique consiste, dans ce cas de figure, à publier le rapport annuel du MNP sous la forme d’un rapport séparé ou à l’insérer en tant que section ou chapitre distinct au sein du rapport plus large de l’institution. Dans ce dernier cas, la stratégie de communication pour la publication du rapport doit veiller à accorder une visibilité suffisante au travail du MNP en tant que l’un des mandats essentiels de l’institution. Il peut être important de publier de manière séparée le rapport annuel du MNP, en particulier lorsque ce dernier ne publie pas de rapports de visite car, dans ce cas, la publication du rapport annuel constitue le principal outil de communication destinée à un public plus large.
Lorsque le mandat de MNP est assumé collectivement par un ensemble d’institutions, celles-ci devraient publier un rapport conjoint fondé sur les discussions entre ces différentes institutions, afin de garantir que les conclusions et recommandations clés prennent en compte les problèmes clés identifiés dans les différents domaines de privation de liberté couverts par chacune d’entre elles. Ces rapports annuels viennent en complément des rapports publiés individuellement par chaque institution pour rendre compte des activités ne relevant pas de leur mandat au titre de l’OPCAT.
Qui devrait rédiger le rapport annuel du MNP ?
Il est important de garder à l’esprit que le rapport annuel d’un MNP doit être rédigé en interne par les membres ou par le personnel de ce mécanisme. La rédaction du rapport offre une occasion pour l’ensemble de l’institution de réfléchir collectivement et de manière stratégique aux principales avancées obtenues au cours de l’année et aux questions qui devraient être portées à l’attention du public. Il contribue également en interne au partage d’informations et à la constitution d’une mémoire institutionnelle.
Dans les cas où le MNP associe officiellement à ses travaux des organisations non gouvernementales (comme dans le modèle « Médiation plus »), il convient que toutes ces parties prenantes soient consultées sur le contenu du rapport et aient l’opportunité de le commenter. Lorsque le mandat de MNP est assumé collectivement par un ensemble d’institutions, le processus de rédaction est généralement piloté par l’institution qui coordonne les activités menées au titre du MNP.
Comment diffuser un rapport annuel de manière stratégique ?
Aux termes de l’OPCAT, l’obligation de diffuser le rapport annuel du MNP relève de l’État mais en réalité, cette tâche incombe au mécanisme national de prévention. Celui-ci doit donc veiller à recevoir et à allouer suffisamment de fonds, de temps et de personnel pour assurer chaque année la publication et la diffusion du rapport, y compris auprès des autorités et des autres parties prenantes.
Pour assurer la diffusion de son rapport annuel, le MNP doit adopter une stratégie spécifique qui peut inclure les actions suivantes :
- Présentation du rapport aux autorités de haut niveau, notamment lors d’une audition officielle au parlement.
- Réunions bilatérales avec le chef du Gouvernement et tables rondes interinstitutionnelles avec plusieurs ministères.
- Un événement public pour lancer le rapport, sensibiliser le public et susciter un débat sur des questions clés.
- Une conférence de presse et la publication d’un kit à l’intention des médias.
- Des réunions de travail avec d’autres parties prenantes, en particulier des organisations de la société civile, des associations du barreau et d’autres acteurs interagissant avec le MNP et susceptibles de jouer un rôle pour la mise en œuvre de ses recommandations.
- Une large diffusion du rapport (par courrier électronique et postal) à toutes les institutions et organisations mentionnées ci-dessus.
- La diffusion d’exemplaires du rapport annuel lors de conférences, d’activités de formation et de réunions au cours de l’année afin de présenter le MNP et son action.
- La publication du rapport sur les médias sociaux.
- La publication séparée d’articles thématiques tirés du rapport annuel au cours de l’année suivant la parution de ce document.
- La diffusion du rapport dans les bibliothèques des lieux de privation de liberté afin de permettre sa consultation par le personnel et les personnes privées de liberté.
Bien qu’ils ne constituent pas le public cible des rapports du MNP, un certain nombre d’organes et de mécanismes internationaux des droits humains souhaitent prendre connaissance des rapports annuels du MNP, en particulier le SPT, d’autres organes internationaux et régionaux ainsi que d’autres MNP. Il est donc également important que le MNP assure une large diffusion de son rapport annuel au niveau international. Une bonne pratique consiste à envoyer les rapports annuels du MNP au SPT, qui les publie à son tour sur son site internet. Il est également utile que les MNP envoient leurs rapports à d’autres MNP et organes régionaux et internationaux des droits humains travaillant sur les questions de détention ; cela nourrit le dialogue et assure un partage d’informations qui peuvent enrichir les réflexions de ces autres organes.
Les rapports annuels devraient être traduits dans les langues nationales du pays dans lequel le MNP est situé, y compris les langues autochtones. Afin d’assurer une diffusion internationale de ce document et de promouvoir les échanges sur le contenu du rapport avec le SPT, il est également utile de publier l’ensemble du rapport (ou au moins son résumé) en anglais.