Institutions nationales des droits de l'homme

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Quel rôle jouent les Institutions nationales des droits de l'homme en tant que MNP ?

Les institutions nationales des droits de l’homme (INDH) sont des organes indépendants créés par l’État pour promouvoir et protéger les droits humains. Les INDH sont accréditées par l’Alliance mondiale des INDH (GANHRI) lorsqu’elles sont conformes aux Principes de Paris concernant le statut des institutions nationales, adoptés en 1991. Ces principes établissent des critères minimaux clés que ces institutions doivent satisfaire ; ces organes doivent notamment reposer sur une base juridique solide et être indépendants des institutions qu’ils sont chargés de surveiller. L’article 18 de l’OPCAT précise que lorsqu’ils mettent en place un MNP, les États Parties doivent tenir « dûment compte » des Principes de Paris.

Bien que l'OPCAT ne prescrive pas de modèle spécifique, la majorité des MNP des différentes régions du monde sont des INDH. Les autres modèles de MNP incluent soit de nouvelles institutions spécialisées, soit des MNP constitués d’un ensemble d’institutions.

La plupart des INDH qui ont été désignées comme MNP étaient des organes déjà existants qui ont été dotés de pouvoirs et de responsabilités supplémentaires pour assumer ce mandat de prévention de la torture. Dans certains pays, l’INDH a été désignée comme MNP au sein d’un ensemble d’institutions chargées globalement d’assumer ce mandat de prévention. Dans un petit nombre de cas, les INDH se sont vues confier le mandat de MNP au moment de leur création.

Le présent outil traite de différents types d'INDH ; en effet, s’il existe d’importantes différences entre ces différents types d’organes (voir la question 2 ci-dessous), les opportunités ainsi que les défis auxquels ces institutions sont confrontées, lorsqu’elles sont désignées comme MNP, sont globalement similaires. Nombre des remarques présentées dans ce document s'appliquent également au petit nombre d'institutions de médiation désignées comme MNP et qui ne sont pas des INDH, y compris celles qui sont dotées d’un mandat plus étroit concernant, par exemple, des droits, des groupes ou des zones géographiques spécifiques.

Quels sont les différents types d’INDH ?

  • Commissions nationales des droits de l'homme (CNDH). Les CNDH ont pour principale caractéristique d’être dirigées par un organe directeur élu composé de plusieurs membres qui agissent de manière collective ou collégiale. Ces membres peuvent assumer ces fonctions à temps plein, à temps partiel, à titre bénévole ou en optant pour une combinaison entre ces trois types de statuts. Le nombre de ces membres varie considérablement selon les CNDH, allant de trois à plus d’une trentaine. Dans certaines CNDH, les membres nommé∙e∙s se voient confier des mandats généraux, tandis que d’autres ont des responsabilités spécifiques dans des domaines particuliers des droits humains définis par la loi ou les réglementations en vigueur. Les membres des CNDH sont assisté∙e∙s par un personnel professionnel.
  • Institutions de médiation. Les institutions de médiation ne comptent, quant à elles, généralement qu’un∙e seul∙e membre désigné∙e, qui assume ces fonctions à plein temps et qui est appuyé∙e par un personnel professionnel. Le∙a médiateur∙rice désigné∙e peut parfois être assisté∙e par un∙e ou plusieurs adjoint∙e∙s également désigné∙e∙s. Les institutions de médiation se sont traditionnellement focalisées sur le traitement des plaintes pour mauvaise administration qui leur sont adressées par la population et sur lesquelles elles mènent des enquêtes. Cependant, beaucoup d’entre elles sont maintenant dotées de mandats beaucoup plus larges en matière de droits humains, ce qui brouille quelque peu la distinction entre ce type d’organes et les CNDH.
  • Institutions « Médiation plus ». Certaines institutions de médiation ont été désignées comme MNP aux côtés d’organisations de la société civile. Ce modèle d’institutions est appelé « Médiation plus ». Dans la plupart des cas, la coopération entre l’institution de médiation et les ONG est régie par des accords officiels qui précisent la manière dont ces organisations sont sélectionnées et définissent leur rôle en ce qui concerne leurs fonctions de MNP, notamment pour les visites

Quels sont les avantages et les défis auxquels sont confrontées les INDH désignées comme MNP

Changement de culture institutionnelle

  • L’un des défis majeurs auxquels sont confrontées les INDH désignées comme MNP est la nécessité de devoir modifier leur culture institutionnelle pour adopter une approche préventive. De nombreuses institutions ont une longue expérience en matière de traitement des plaintes et d’enquêtes. Beaucoup mènent également des inspections des conditions de détention conformément à la législation et aux normes en vigueur. Le mandat d’un MNP est cependant très différent : il a un caractère pluridisciplinaire et tourné vers l’avenir. Il vise à réduire les risques et à lutter contre les causes profondes du recours à la torture et aux mauvais traitements, et à protéger la dignité des personnes privées de liberté, même en l’absence de plaintes. L’approche des MNP repose également sur un engagement et un dialogue continus et constructifs avec les autorités et sur la nécessité de provoquer un changement des mentalités au sein de la population. Le travail des MNP vise souvent, en particulier, à combler le fossé entre, d’une part, la législation, et les normes en vigueur et, d’autre part, les pratiques de la détention. Ce travail requiert une compréhension exhaustive des processus réellement à l’œuvre en détention en se basant sur les conclusions tirées lors de visites longues et approfondies des lieux de privation de liberté.

Législation et pouvoirs

  • Les INDH, en particulier celles qui se conforment pleinement aux Principes de Paris, disposent d’une base juridique solide, souvent ancrée dans la Constitution. Dans de nombreux cas, la législation portant création de ces institutions peut inclure certaines dispositions de l’OPCAT - qui est le premier traité international qui confie des pouvoirs et des mandats spécifiques à des institutions nationales. Cela inclut souvent le pouvoir de visiter des lieux de détention. Cependant, la législation portant création des INDH n’est souvent pas conforme à toutes les exigences de l’OPCAT. Pour satisfaire à ces nouveaux critères, plusieurs options sont possibles, à savoir : adopter une nouvelle législation désignant l’INDH comme MNP ; inclure des dispositions à cet effet dans une loi déjà en vigueur ; ou modifier la législation portant création de ces institutions - même si seulement quelques changements mineurs sont nécessaires - et à inclure les modifications requises. Ce processus de révision peut constituer une bonne opportunité pour réévaluer le fonctionnement de l’institution dans son ensemble et déterminer la meilleure manière d’y intégrer le mandat du MNP. Dans ce cas de figure, l’INDH peut procéder au réexamen de son fonctionnement interne en s’appuyant sur les orientations issues de débats publics et parlementaires. Dans la pratique, à l’évidence, ce type de processus peut s’avérer complexe et chronophage, et il peut également présenter des dangers pour l’institution si ses détracteurs profitent de cette occasion pour affaiblir l’institution dans son ensemble.
  • Quelle que soit l’approche choisie, les nouvelles fonctions et les nouveaux pouvoirs confiés à ces institutions pour assumer le mandat de MNP doivent être énoncés de manière explicite dans la loi , et ce notamment afin de préserver l’existence du mandat de prévention de la torture sur le long terme. Ce processus doit également être accompagné de débats sur les règles internes et les processus régissant ces institutions.

Expertise et personnel

  • L’une des principales raisons pour lesquelles les INDH sont souvent désignées comme MNP est que ces organes possèdent déjà une expérience sur des questions pertinentes pour le mandat de MNP, notamment en matière de réformes législatives et de visites de certains types de lieux de détention, généralement des prisons. De ce fait, même si les fonctions confiées à un MNP sont tout à fait spécifiques en termes d’approche et de portée, de nombreuses INDH sont familiarisées avec certaines questions relatives à la détention. En outre, nombre de ces organes disposent déjà d’une expertise spécifique sur certains groupes en situation de vulnérabilité, même s’ils n’ont pas toujours travaillé en particulier sur la situation de ces groupes dans un contexte de détention. Certains d’entre eux sont également susceptibles d’avoir déjà travaillé sur des questions telles que les droits des personnes en situation de handicap, les personnes âgées, l’accès à la justice, les soins de santé, la migration et les droits de l’enfant qui sont tous des domaines pertinents pour le travail des MNP. Par ailleurs, de nombreuses INDH sont dotées d’un vaste mandat en matière de droits humains et cela leur permet de relier le mandat spécifique de MNP à leur travail quotidien.
  • En dépit de l'exigence de pluralisme énoncée par les Principes de Paris, la plupart des INDH ne disposent pas de l’expertise multidisciplinaire nécessaire pour mener à bien le travail de prévention confié à un MNP, dans la mesure où le personnel de ces institutions est quasi-systématiquement composé exclusivement de juristes. Par conséquent, si le personnel travaillant dans cette institution peut continuer à jouer un rôle clé, il faudra généralement également faire appel à d’autres personnes issues de milieux professionnels différents et disposant d’expertises spécifiques pour se consacrer exclusivement aux questions relevant du mandat du MNP. Le recrutement de ces personnes peut se révéler difficile étant donné que les règles du secteur public en la matière peuvent limiter la capacité de ces institutions à recruter les profils spécifiques dont elles ont besoin, y compris en tant qu’expert∙e∙s externes spécialisé∙e∙s, dans un éventail de disciplines.

Capacité institutionnelle

  • La plupart des INDH comptent plusieurs services qui peuvent contribuer au travail du MNP, ce qui permet à l’institution dans son ensemble d’optimiser son impact et l’utilisation de ses ressources. Par exemple, beaucoup de ces institutions disposent d’un personnel spécialisé travaillant sur les questions parlementaires et les réformes législatives. Ces personnels peuvent se révéler très utiles, étant donné le rôle confié aux MNP en matière de formulation de recommandations relatives aux nouvelles législations ou à la réforme de lois en vigueur – ces deux types de recommandations étant prévus par l’article 19 de l’OPCAT.
  • Il peut également être utile de susciter des synergies avec d’autres services, tels que ceux traitant des plaintes, ceux travaillant sur des groupes spécifiques en situation de vulnérabilité, et ceux focalisés sur les questions d’éducation et de formation. Les services administratifs existants (en charge des finances et des déplacements, par exemple) peuvent également jouer un rôle extrêmement utile, lorsqu’une INDH se voit dotée du mandat de MNP.
  • En outre, un grand nombre de ces organes disposent d’une unité chargée de la communication et du plaidoyer. Il est essentiel de mener des activités de communication pour présenter le mandat spécifique du MNP ; expliquer la spécificité de son approche préventive ; rendre visible le travail du MNP ; et contribuer à faire en sorte que les activités de monitoring conduisent à de réels changements dans les pratiques de détention. L’expertise en matière de communication dont disposent les INDH peut jouer un rôle très utile à cet égard, en particulier lorsque le personnel chargé de la communication bénéficie des ressources et de la formation nécessaires pour comprendre les spécificités du mandat de prévention des MNP.
  • De nombreuses INDH ont des bureaux régionaux, qui peuvent contribuer au travail du MNP en lui assurant une couverture géographique adéquate, en particulier dans les pays vastes ou géographiquement fragmentés où certains lieux de privation de liberté sont éloignés des centres urbains. Les bureaux régionaux peuvent fournir au MNP des informations particulièrement pertinentes sur les spécificités du contexte local. Il faut cependant soigneusement examiner et planifier les conditions dans lesquelles ces bureaux régionaux peuvent s’impliquer dans les visites des lieux de détention et dans d’autres aspects du travail du MNP afin d’optimiser l’utilisation des ressources de ces institutions et de garantir la cohérence du travail du MNP ; cela est particulièrement nécessaire car les bureaux régionaux de nombreuses institutions sont souvent surchargés de travail et confrontés à un manque de personnel. Les bonnes pratiques, à cet égard, peuvent, par exemple, consister à : désigner un point focal du MNP au sein de chaque bureau régional ; impliquer le personnel régional dans des formations spécifiquement consacrées à la présentation du travail du MNP ; faire en sorte que les membres des bureaux régionaux participent aux discussions sur la planification, la préparation et le suivi des visites ; et clarifier les règles relatives aux conditions de participation du personnel au travail du MNP et à la chaîne de responsabilité dans ce domaine.
  • Enfin, les INDH désignées comme MNP peuvent s’appuyer sur leurs infrastructures existantes (telles que leurs bureaux et véhicules), mêmes si les nouvelles fonctions de prévention de la torture requièrent presque toujours des ressources supplémentaires. La question des ressources constitue, de fait, une exigence spécifique du Sous-Comité d'accréditation de la GANHRI (SCA), lorsque celui-ci examine les institutions désignées comme MNP.
  • Un grand nombre de ces synergies internes peuvent être prévues dans les règles internes de l’institution.

Cohérence du système des droits humains

  • Les systèmes de monitoring et de surveillance des droits humains trop complexes peuvent être difficiles à comprendre pour les autorités, les personnes détenues et les autres individus concernés. Ces systèmes peuvent entraîner des lacunes et des duplications d’efforts en matière de couverture du mandat de prévention de la torture. Il peut être utile, à cet égard, de centraliser, au sein de l’INDH, les mandats liés à la détention en créant un « guichet unique » pour traiter des questions relatives aux droits humains dans le pays.

Légitimité

  • Les INDH désignées comme MNP peuvent s’appuyer sur les relations qu’elles ont établies avec les parties prenantes au niveau national et leurs homologues au niveau international. Lorsqu’elles sont positives, les relations nouées par les INDH, ainsi que la réputation qu’elles ont bâtie, la confiance qu’elles ont su instaurer et la visibilité dont elles bénéficient peuvent constituer un avantage. Dans le même temps, ces institutions doivent prendre le temps et consacrer les ressources nécessaires pour expliquer de manière adéquate les spécificités du mandat du MNP aux parties prenantes concernées. Lorsque l’institution à qui est confié le mandat de MNP est perçue de manière négative par les principales parties prenantes, cela peut nuire sérieusement à l’efficacité future de son travail en matière de prévention de la torture.

Liens avec le système international

  • De nombreuses INDH sont familiarisées et ont établi des liens étroits avec le système international des droits humains ; c’est le cas, en particulier, de celles accréditées avec le « Statut A » octroyé par la GANHRI, ce qui leur permet de participer aux processus du Conseil des droits de l’homme et d’autres organes de traités. Cette connaissance du système des droits humains des Nations Unies leur permet de mener des actions de plaidoyer afin que les préoccupations et priorités nationales soient prises en compte au niveau international et que les recommandations formulées par des organisations internationales soient mises en œuvre au niveau national. Tout ceci constitue un ensemble d’expériences particulièrement utiles permettant à une INDH assumant la fonction de MNP de renforcer et d’améliorer la mise en œuvre des recommandations au niveau national.
  • En outre, le statut des INDH au sein des réseaux internationaux et régionaux d’INDH peut leur accorder une protection supplémentaire contre les ingérences ou les représailles. Ces réseaux constituent également une source importante d'informations et d'échange d'expériences, de leçons et de bonnes pratiques entre les INDH, et cela contribue à renforcer leur travail au niveau national.
  • Le processus d’accréditation des institutions membres de la GAHNRI peut également renforcer de manière externe la responsabilisation des MNP, en garantissant que ces organes respectent certaines normes clés essentielles en matière d’indépendance.

Quel type de structures internes est le plus approprié pour les INDH désignées comme MNP ?

La plupart des INDH désignées comme MNP ont choisi de mettre en place une unité ou un service dédiés exclusivement à ce travail de prévention et placé sous la direction d’un∙e haut∙e responsable – ce qui constitue l’approche recommandée par les Lignes directrices du SPT. Cela permet aux personnes travaillant pour le MNP de se focaliser entièrement sur le travail de prévention tandis que le traitement de plaintes individuelles et le travail d’enquête sur ces cas sont menés par un autre service. Si cette approche est privilégiée, le service chargé d’assumer les tâches confiées au MNP devrait également être intégré dans l’institution dans son ensemble, par le biais notamment d’un système d’interactions et de coopération régulières avec les autres services. Cette coopération peut s’appliquer aux domaines suivants : les plaintes ainsi que les modalités de leur réception, de leur transmission et des enquêtes menées sur ces cas ; les visites dans les lieux de détention ; et les questions thématiques pertinentes pour l’ensemble de l’institution. Cette coopération inter-services est essentielle pour garantir la protection des détenu∙e∙s et assurer et optimiser le partage d’informations, d’expertises et de compétences entre le MNP et les autres unités ayant des mandats qui se recoupent. Cependant, le type d’informations que l’unité du MNP est en mesure de partager avec d’autres services peut être limité en raison du grand nombre d’informations sensibles que cet organe de prévention est habilité à collecter. La coopération peut également avoir des effets bénéfiques en matière de formation et d’éducation, de communication, de réformes législatives et d’autres questions.

Une autre approche, moins courante, consiste à créer ou à désigner un service chargé de toutes les questions relatives à la privation de liberté et placé sous la direction d’un∙e haut∙e responsable . Dans ce cas de figure, un seul service est chargé, au titre du MNP, d’effectuer des visites préventives et d’assurer le traitement et l’examen des plaintes individuelles. Cette approche offre potentiellement l’avantage de renforcer le partage d’informations et d’éviter les duplications inter-services. Cette solution soulève cependant un défi spécifique, car ce service risque de devoir consacrer l’essentiel de son temps au traitement des plaintes qui sont souvent très nombreuses et peuvent avoir un caractère urgent. Le MNP serait alors contraint d’adopter une attitude essentiellement réactive, ce qui peut l’empêcher de mettre réellement l’accent sur sa mission de prévention.

Si un service au sein d’une INDH est généralement chargé d’assurer le travail du MNP, il est important de souligner que le processus de désignation de cette institution comme MNP implique que c’est l’institution dans son ensemble qui « est » le MNP et non pas seulement le service concerné (même s’il existe des exceptions à cet égard). Les services chargés du travail de MNP doivent bénéficier d’une autonomie opérationnelle mais cela ne signifie pas pour autant qu’ils doivent agir en circuit fermé ou travailler de manière isolée du reste de l’institution. Ceci s’explique notamment pour les raisons liées à la nécessité de créer des synergies et d’optimiser l’efficacité de l’institution qui ont été évoquées ci-avant. Les règles internes et l’organigramme de l’institution doivent donc être conçus en tenant compte de ces objectifs.

Quel est le niveau d'autonomie des MNP au sein d’une INDH ?

L’examen des différents types de modèles de MNP peut créer parfois une confusion autour de certains termes tels qu’indépendance et autonomie. Pour les besoins de la présente boîte à outils, la notion d’indépendance renvoie à l’idée selon laquelle le MNP ne doit pas dépendre des organes qu’il est chargé de surveiller - à savoir, par exemple, les autorités chargées de la détention et les ministères concernés. Les INDH, en particulier celles qui se conforment aux Principes de Paris, sont généralement indépendantes. L’autonomie, quant à elle, renvoie à la capacité des différents services au sein d’une institution à prendre des décisions et à effectuer leur travail de manière réellement efficace, sans interférences susceptibles de porter atteinte à leur travail. Comme indiqué ci-dessus, les INDH désignées comme MNP devraient donc généralement créer un service spécifiquement dédié à ce travail de prévention de la torture et placé sous la direction d’un∙e haut∙e∙ responsable. Ce service devrait être chargé de piloter l’action du MNP, sans ingérence indue dans le travail de visites, de planification, de préparation des rapports et de formulation des recommandations.
 
Quel que soit le modèle choisi, l’unité ou le service chargé de ce mandat doit, pour assumer les fonctions de MNP de manière efficace, travailler en étroite collaboration avec les autres services (voir la section 3 ci-dessus).

Les INDH doivent également élaborer des procédures claires pour identifier la personne responsable du mandat de MNP et définir la chaîne hiérarchique - cela implique de déterminer qui a le pouvoir de prendre des décisions sur des questions clés, telles que la publication de rapports et de recommandations. Dans certaines institutions, un∙e membre ou un∙e médiateur∙rice adjoint∙e est nommé∙e en tant que responsable du MNP. Dans d’autres cas, un∙e membre de l’institution ou un∙e adjoint∙e peut être responsable de plusieurs services, notamment, par exemple, du MNP et du service chargé des plaintes et des enquêtes, ce qui peut favoriser des synergies utiles entre services dotés de mandats connexes. Dans un petit nombre de cs, la loi portant création des MNP exige la mise en place d’un service spécifique et définit sa chaîne hiérarchique ainsi que les modalités de nomination de son personnel.

Une fois cette chaîne hiérarchique établie, il peut être utile que la direction de l’institution participe régulièrement à des visites dans les lieux de privation de liberté ; à des réunions d’information organisées en amont et en aval de ces visites ; et au dialogue avec les autorités. Cela est important pour permettre aux plus haut∙e s responsables de l’institution d’avoir une pleine compréhension du travail du MNP ; cela peut aussi investir ce travail de prévention de l’autorité de l’institution, ce qui est important notamment pour le dialogue avec les autorités.

Éléments budgétaires et financiers clés à prendre en compte par les INDH exerçant les fonctions de MNP

Les États qui envisagent de désigner une INDH en tant que MNP ne devraient pas considérer que cette option est forcément moins onéreuse que les autres modèles de MNP. Quelles que soient la stratégie et la structure interne choisies en fin de compte, toute INDH qui assume un mandat de MNP doit bénéficier de ressources humaines et financières supplémentaires. Cela est également précisé à l’article 39 de la Déclaration de Nairobi, qui prévoit que les INDH ne doivent envisager leur propre désignation en tant que MNP « que si l’État leur confère les pouvoirs et les ressources nécessaires ». De même, l’article 18 de l’OPCAT souligne qu’il appartient à l’État de dégager « les ressources nécessaires » au fonctionnement des MNP.

La nécessité de pouvoir s’appuyer sur un personnel dédié au mandat de MNP constitue l’un des principaux défis auxquels sont confrontés les MNP en matière de budget et de ressources. Des ressources supplémentaires sont également généralement nécessaires, y compris des expert∙e∙s externes, par exemple des médecins et des psychologues, qui peuvent être recruté∙e∙s afin de garantir que les MNP puissent satisfaire aux critères de la multidisciplinarité. Selon le modèle choisi, les ressources nécessaires peuvent inclure des moyens financiers pour assurer le paiement de salaires ou d’indemnités journalières et de frais de déplacement. En plus de ces ressources humaines supplémentaires, un financement est également nécessaire pour assumer les frais de déplacement et d’hébergement des personnes assurant le travail du MNP, et pour couvrir les frais liés notamment à la production et à la publication (et éventuellement la traduction) des rapports du MNP. Il peut également être nécessaire de financer des activités de formation et de communication ainsi que la participation des membres du MNP à des rencontres internationales et à d’autres forums.

Un deuxième défi a trait à l’ampleur même du mandat du MNP, qui inclut le monitoring régulier de tous les lieux où des personnes sont - ou peuvent être - privées de liberté, ce qui peut représenter une très grande diversité de lieux, souvent dispersés sur une vaste zone géographique. Tous les MNP, y compris ceux qui sont intégrés au sein d’une INDH, doivent trouver un juste équilibre entre la quantité et la qualité des visites, en prenant en compte la nécessité d’assurer une présence sur le terrain et dans les lieux de privation de liberté, tout en allouant suffisamment de temps et de ressources à l’analyse et au suivi des informations recueillies.

En outre, la nature spécifique de l’approche préventive de la torture peut poser un problème de ressources considérable pour des institutions qui adoptent traditionnellement une attitude plutôt réactive. La nécessité de répondre à cet impératif de prévention a des incidences budgétaires ; en effet, indépendamment du fait que l’unité chargée du travail de MNP soit habilitée, ou non, à traiter les plaintes, l’INDH a besoin de ressources suffisantes pour que ce travail n’obère pas sa capacité de travail préventif.

Afin de garantir l’autonomie financière et la pérennité des MNP, une bonne pratique en la matière consiste à allouer au MNP une certaine part du budget de l’ensemble de l’institution et à s’assurer que cette allocation budgétaire est prévue - soit dans la loi désignant l’INDH comme MNP, soit dans la révision de la législation portant création de ces institutions, ou encore dans les règles et règlementations internes de l’institution. Cet élément est également pris en compte par le SCA de la GANHRI.

Éléments clés à prendre en compte en termes de personnel pour les INDH qui assument le mandat de MNP

La question de la multidisciplinarité constitue également l’une des questions clés auxquelles sont confrontées les INDH. Comme l’OPCAT l’indique clairement, le personnel du MNP doit présenter une diversité de milieux, de compétences et de connaissances professionnelles nécessaires pour avoir une compréhension effective des lieux visités et pour analyser les risques liés à l’environnement de détention. Comme indiqué ci-avant, le personnel des INDH a tendance à être majoritairement composé de juristes ; or, le travail des MNP requiert également d’autres types d’expertise (notamment médicale).

Il convient toutefois de noter que si ce critère de multidisciplinarité ne peut pas être satisfait exclusivement par le recrutement d’un personnel permanent du fait de l’insuffisance des ressources financières à disposition du MNP, il est possible de renforcer cette diversité en ayant recours à des expert∙e∙s externes sur une base contractuelle.

Les modalités mises en place par les INDH pour recruter les personnes chargées du travail de MNP sont généralement régies par les mêmes procédures que celles appliquées pour l’embauche du personnel travaillant pour le reste de l’institution. Cela peut présenter des avantages car les services de MNP peuvent donc s’appuyer sur des procédures de recrutement existantes, mais cela peut également présenter des défis. C’est le cas, par exemple, lorsque les règles et réglementations en matière de contrats types ne permettent pas de recruter les profils requis pour assumer certaines tâches du MNP. Par exemple, il peut être nécessaire, pour recruter des médecins ou d’autres expert∙e∙s, de recourir à des contrats flexibles ou rémunérés de manières différentes et non prévues par les procédures existantes. Il est également important de noter que la direction du MNP devrait être en charge des processus de recrutement en raison de la nature spécifique et opérationnelle de ce travail de prévention.